Questionnement sur l'acte verbal

Publié le par Vincent

L'intonation affirmative

 

Vassiliev n'a cessé de répéter que l'intonation devait être considérée comme une note musicale, l'intonation affirmative étant, par conséquent, une musique dont les notes s'achèvent plus graves qu'elles n'ont commencé. Or, une musique prduit toujours un effet sur l'auditeur, un effet que ce dernier ne peut pas contrôler consciemment. Je vais y revenir.

 

Ensuite, pendant le training verbal, alors que nous sommes assis sur nos chaises, ayant placé le centre à l'extérieur de nous-mêmes, produisant un son, nous allons le projeter à l'horizon selon l'une des trois intonations.

 

Lorsque Valérie Dréville montre le training, l'intonation affirmative qu'elle produit a un effet organique très étrange sur moi - et je le saurai plus tard, sur nous tous - un effet que je perçois comme agressif, violent. Il y a, en effet, une sensation d'injonction, de commandement, et même si elle n'utilise qu'un son - io, ia, sia, sié - on ressent comme l'envie, le besoin d'obeïr. Ce n'est lié à aucun sens qu'aurait un mot, non, vraiment simplement à l'intonation utilisée et je comprends ce que Vassiliev veut dire lorsqu'il prétend que l'intonation est une musique. Une musique produit un effet. Et dans le cas de l'intonation affirmative, l'effet est puissant et m'évoque les discours fascistes d'un Hitler ou d'un Mussolini. Je veux bien comprendre comment des foules entières ont pu être traversées et convaincues par des paroles ou des sons prononcés selon une intonation affirmative.

 

 

 

Là où surgit ensuite un questionnement, c'est lorsque Vassiliev affirme qu'au théâtre on utilise généralement - et trop souvent - l'intonation exclamative, assez régulièrement l'intonation narrative et très peu l'intonation affirmative. Au départ, avant le training, j'étais d'accord, trop peu de choses sont affirmées par les acteurs sur la scène et on joue en général. Mais suite à l'effet produit par l'intonation affirmative, j'ai évoqué devant Vassiliev mes craintes et mes doutes :

 

En affirmant, il me semble soudain qu'on impose du sens au spectateur au lieu d'en proposer. Surtout que la sensation d'agression ou d'affirmation provoque - je l'ai ressenti - une envie de soumission. Or, dans le training, il ne s'agit que de son, alors je crains d'autant plus l'effet d'un son qui soit lié à un mot dans lequel il y aurait un sens. Je ne veux en aucun cas prendre le pouvoir sur le spectateur par le sens. Je ne veux pas du pouvoir, je ne détiens aucune vérité.

 

 

 

Vassiliev me répond alors très justement : au théâtre, quel que soit le texte mais si c'est vraiment un texte pour la  scène, il s'agit tout de même de conflit; entre les partenaires pour les textes psychologiques, entre la salle et le plateau pour les textes métaphysiques. Or, un conflit ne présuppose pas l'agressivité - seuls les conflits primitifs sont frontaux et agressifs et au théâtre les conflits sur plus subtils que cela. Ainsi, même si l'intonation affirme, elle n'est qu'intonation, musique, notes. Elle amène de la stabilité au texte, elle n'impose rien.

 

Le conflit n'est pas frontal, et d'ailleurs c'est la grande force de l'art dramatique, de la représentation sur scène devant des gens. Cela provoque - doit provoquer - une réaction, une participation, un processus, des questions et ne pas rester gratuit. C'est un conflit, et il y a une issue pour tous les participants à ce conflits. Une issue.

 

 

 

Publié dans et-soudain-plus-rien

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