Revenir aux sources de l'intuition

Publié le par Vincent

Le week-end dernier, Anatoli Vassiliev venait assister aux premières présentations de nos répétitions. Nous travaillons actuellement tous sur nos projets personnels, ceux-là mêmes sur lesquels finalement s'illustre notre capacité à mettre réellement en scène, à diriger des comédiens, bref à travailler de manière autonome.
La plupart de mes condisciples ont choisi d'aborder les textes des auteurs contemporains selon la méthode de répétition liée aux structures ludiques. Les structures ludiques consistent à ouvrir le sens des textes proposés selon leur point de vue conceptuel, à les regarder sous la forme de dialogues (au sens platonicien) et non pas de scènes dramatiques au sens strict. Sur la dramaturgie de ces 50 dernières années, c'est tout à fait possible, et l'abord de ces textes selon cette méthode, permet aussi de développer la personnalité scénique propre de l'acteur puisqu'on efface l'idée même de personnage, et que c'est la personne qui vient sur le plateau endosser la responsabilité d'un propos et qui vient ainsi s'y confronter. Dans les premières répétitions, l'acteur utilise d'abord des analogies personnelles avant de progressivement se rapprocher du matériau du texte.
De mon côté, j'ai choisi d'aborder Koltès du point de vue de la situation et des personnages, de vérifier ma capacité à transmettre cela à des acteurs et à les mettre en mouvement sur la scène. Et jusque là, tout se passe plutôt bien. Les retours obtenus après ma présentation dimanche dernier, tant de Vassiliev que de mes camarades de promo, ont été un véritable encouragement. Une petite victoire, à mon échelle, mais qui me procure un peu de force et de volonté pour la suite.

Et cela provient aussi de la découverte du sens profond de la pièce Combat de nègre et de chiens. Parce qu'il faut du temps pour comprendre pourquoi, à la première lecture, on a ce sentiment si fort et cette certitude qu'on doit mettre en scène cette pièce. C'est d'abord l'intuition qui décide pour soi. Mais il faut y revenir et la rendre consciente puisqu'ensuite tout le travail va consister à construire les répétitions et la direction d'acteur autour de ce qu'on souhaite révéler de la pièce sur le plateau et de ce sens même qui nous a touché si profondément et qu'on veut transmettre de la façon la plus profonde et la moins didactique aux spectateurs. Leur proposer ainsi le même voyage que celui que nous avions fait à la premières lecture. Il faut retrouver l'innocence de la première lecture, mais de manière consciente - d'où le paradoxe. Il faut revenir aux sources de notre intuition, aux limites de notre subconscient et comprendre ce qui nous meut profondément et sincèrement, ce qui est si douloureux en nous qu'il faille qu'on en parle absolument et sans détour. Retrouver la nécessité de la prise de parole pour qu'elle ne soit pas gratuite. L'acteur et le metteur en scène, ce n'est pas une petite chose et la responsabilité est importante, sont des porte-paroles d'un message plus grands qu'eux et qui va les traverser pendant des mois et les faire grandir.


Publié dans et-soudain-plus-rien

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