Festival d'Avignon - Premier bilan

Publié le par Vincent

Après deux jours de repos bien mérités, l'heure est au bilan de ce premier festival pour En Compagnie des Hommes.


Pour commencer par le pire, il est clair que le bilan financier n'est pas bon.
Non seulement le festival 2008 n'a pas attiré des hordes d'amateurs de théâtre mais en plus, l'heure était pour eux au divertissement gras ou aux productions sures. Fi donc des tentatives de découvrir de nouveaux spectacles proposés par de jeunes compagnies !
Et pour cause, le bourrage de mou sur le coût de la vie, la hausse du pétrole, l'euro trop cher face au dollar, le pouvoir d'achat en berne (je reprends pêle-mêle les expressions de mes amis les journalistes) a façonné l'esprit des festivaliers qui voulaient penser à autre chose, et je les comprends.

Par conséquent, une pièce de théâtre qui se présentait comme l'étude du coeur d'une femme amoureuse n'avait que peu de chance de divertir les foules et nous avons certes réussi à trouver notre public mais pas assez pour rentrer dans nos frais. Alors je sais bien que beaucoup ont l'habitude de dire qu'Avignon est un gouffre financier et qu'on n'y va pas pour rentrer dans ses frais... mais les calculs faits en amont permettaient d'espérer mieux que cela et de se rembourser grâce à une fréquentation de 27 personnes payantes en moyenne (pour une jauge de 50 places), ce qui n'est pas un pari fou à prendre au départ. La dernière semaine a plombé les comptes assez violemment puisque, dès l'annonce de la fin du festival IN que certains médias ont confondu avec l'annonce de la fin de tout festival, la fréquentation a été divisée par 3 (passant ainsi d'une vingtaine de personnes à une demi-douzaine de personnes). Bref, il va falloir trouver un moyen de renflouer les comptes avant d'envisager le prochain projet.

Heureusement, un bilan ne peut pas se résumer qu'à une somme d'argent gagnée ou non.

Il y avait, en effet, d'autres enjeux, notamment celui de produire un premier projet qui soit visible par des professionnels qui suivront peut-être par la suite les autres spectacles de la compagnie, et qui déjà, peuvent formuler des critiques constructives pour notre avenir.
Et de ce point de vue, l'objectif est rempli.
Il s'agissait aussi éventuellement que des programmateurs assistent au spectacle et proposent ultérieurement de l'acheter. Et nous avons eu quelques programmateurs dont nous attendrons, à la rentrée, la décision. Le bilan financier ne sera complet qu'à ce moment-là.

Surtout, il s'agissait de proposer un premier spectacle, répété selon nos propres méthodes de répétition issues de la formation de Vassiliev et de sa confrontation à la réalité de l'extérieur du laboratoire, il s'agissait de définir précisément notre ligne artistique et de s'y tenir malgré les contraintes d'Avignon (un créneau de 2 heures, une éventuelle rentabilité, la présence ou l'absence d'un public, la fatigue accumulée par la distribution quotidienne de tracts et par l'affichage, etc...) et nous sommes heureux et fiers aujourd'hui de l'expérience traversée et de ce qu'elle nous a appris.
Elle nous a appris que le théâtre que nous voulions faire pouvait être fait, qu'il pouvait résister à l'usure ou l'habitude des représentations puisque le processus vivant que nous proposions se renouvelait chaque jour. Il nous a appris que l'exigence si haute que nous avions sur le théâtre et sur nous-mêmes n'était pas vaine puisqu'elle avait rencontré un public qui s'y était reconnu. Elle nous a appris que le chemin que nous prenions était juste, pour nous, et qu'il serait sans doute long, que les épreuves seraient nombreuses mais qu'elles nous fortifieraient plus qu'elles ne nous affaibliraient. Elle nous a appris que le cliché entretient le cliché, que le cliché est partout autour de nous et en nous et qu'il faut le traquer pour l'anéantir, que cela se fait au prix d'une prise de conscience douloureuse dont le public ne veut pas forcément mais qu'il faut proposer à travers nos spectacles pour que l'art dramatique avance. Que l'art dramatique avance aussi de cette façon-là et pas seulement en cherchant des formes nouvelles comme certains le prétendent, que l'art n'est pas seulement la forme qu'il revêt, mais qu'elle doit épouser les contours de l'oeuvre sans la définir ou l'épuiser.

Elle nous a apporté mille nouvelles questions que d'autres spectacles encore en gestation auront pour objet d'élucider ou d'interroger encore.

L'horizon artistique est devant nous, vaste, et nous commençons à l'embrasser d'un regard avide et profond.

Publié dans et-soudain-plus-rien

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